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VII

LE CHASSEUR


 
C’est un jeune chasseur. Tout le jour, hors d’haleine,
Farouche, il a bravé les flammes de l’été.
Près de la source, enfin, sombre il s’est arrêté.
Ses regards inquiets interrogent la plaine…
Seul, par les prés fleuris, le cours d’eau se promène.
« O bois ! dit-il, jadis mes plus chères amours,
Je veux la voir avant de vous fuir pour toujours !

« La voir sans être vu. » Soudain, sur l’autre rive,
Au galop du coursier la chasseresse arrive,
Fière comme Diane, agreste en ses atours.
De la route ses yeux sondent les verts détours.
Qui donc la suit ? craint-elle un témoin invisible ?
Le cours d’eau par les prés coule clair et paisible.

Et le chasseur tressaille. Une arme est dans sa main.
Il tourne autour de lui des regards de Caïn ;
Il couve à l’horizon sa haine la plus chère ;
Sa lèvre aux plis nerveux sourit amèrement.
O solitude, ô bois, sérénité, lumière !…
Le cours d’eau par les prés coule paisiblement.