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— Mais, Monsieur le candidat, sur quelle question voulez-vous que je parle ? Je ne sais rien de la politique.

— Qu’à cela ne tienne, me répondit-il en souriant. D’abord vous avez bien des devanciers dans la profession, et s’il est difficile de bien savoir ce que l’on dit, il est bien plus facile et bien plus commun de ne pas le savoir. Mon programme est un des plus vastes que l’on puisse présenter sur la scène politique, un programme qui mettra à sec les puits d’éloquence de mes adversaires. Le voici, en deux mots : « Je suis pour les bonnes mesures. » Saisissez-vous bien toute l’étendue de ce programme ?

— Je vois en effet, répondis-je, qu’il est étendu, trop étendu même pour mes faibles moyens. D’ailleurs, Monsieur le candidat, j’ai une raison péremptoire pour ne pas accepter votre proposition : je suis sans le sou.

— Peu importe, reprit-il aussitôt. Nous avons un fonds d’élections pour défrayer les dépenses de voyages. J’insiste sur ce mot : dépenses de voyages.

Puis tirant de son porte-monnaie deux billets de 10 piastres :

— Voici, dit-il, pour la semaine.

— Mais, repris-je, je vous dis que je ne connais pas un mot de politique.

— Brillant jeune homme, vous pouvez parler politique aux gens sans la connaître,

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