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en criant : « Vole, vole, ma gondole ». Et aussi tout en volait sur le piano. Mais mon succès réel fut dans les tra la la, tra deri, de la fin. Le dernier la fut à ma plus haute voix de tête, comme un homme égaré dans la forêt qui appelle au secours. Je me retournai pour voir l’effet de ma voix de rossignol sur les assistants ; ils se tordaient de rire ; ils pleuraient de joie de m’avoir entendu. Madame L’Heureux, en riant, me dit : « Ce n’est pas un mal de ne pas savoir la musique. Si l’on vous avait parlé histoire, géographie, astronomie, ou encore, si l’on vous avait demandé de parler grec ou latin, vous l’auriez fait n’est-ce pas ? » Je lui répondis qu’il valait mieux ne pas m’essayer.

Mademoiselle la présidente me remplaça au piano, et tous chantèrent à m’en casser les oreilles. Pendant ce temps-là, je demandais à mon Ange Gardien de me sortir vivant de cette maison.

Mais Madame L’Heureux pressa un bouton ; une servante répondit au signal. « Emportez-nous des fraises de jujube. » Aussitôt la servante reparaît, portant un grand plateau contenant les boulettes de jujube. Elle se présente devant moi en faisant un grand salut. Je répondis au salut par un cordial « Bonjour, Mademoiselle ». J’ai su plus tard que, aux yeux du grand monde, cet esclave de la bagatelle,

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