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suivie ! — de monter chercher mon fameux porte-manteau et de passer la porte. Mais deux demoiselles viennent me saisir par les bras et m’entraîner au fauteuil. Regardez-moi bien faire la traversée du salon, les deux mains sur mes épingles pour prévenir un naufrage. Il faut bien que je vous le dise, mes chers amis, je me suis surpris à envier le sort de ceux qui sont condamnés au cachot sans même avoir la permission de garder leur porte-manteau.

Demoiselle « L’Heureuse » s’empressa de me demander quelle impression avait fait sur moi la vue du Prince de Galles. « J’ai bien admiré, Mademoiselle, son air royal, d’autant plus que ceci lui donne une ressemblance avec la moitié des Canadiens. »

« Bien dit », reprit Madame L’Heureux, « si ce prince n’avait pas d’étiquette royale, au-dessus de la tête, pas une âme, excepté sa mère, ne pourrait le reconnaître au milieu des élèves du Collège de Montréal. »

C’est alors que le jeune Chagnon, à qui j’avais joué des tours au collège, s’avisa de prendre une revanche terrible sur moi. Il se leva et annonça à l’assemblée que j’étais doué d’une voix extraordinaire et que, dans les cercles musicaux, on parlait de m’envoyer à Paris pour cultiver ma voix de rossignol. « Et je suis heureux d’apprendre à tous qu’au concours de piano il a décroché la médaille d’or. »