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per pendant mon séjour d’un mois au château. Je me récriai de toutes mes forces, mais le porte-manteau disparut vite de mon regard. Je fus conduit au salon, et une vingtaine de personnes invitées pour la circonstance se présentent devant ma face, pâle de surprise. Je fis un pas en arrière, menaçant la résistance de mes épingles. Madame L’Heureux me manifesta sa joie de me voir, sans changer mon nom. Puis je fus présenté à chaque convive, habillé en cérémonie. Je crois que je n’ai jamais tant souffert de ma vie. Je m’avançais en tendant la main, la tête basse, ne disant pas un mot, pendant que mon imagination voltigeait de mon crin blanc aux épingles, et des épingles au porte-manteau. C’est là que je regrettais de m’être éloigné du nid paternel.

Je m’assis sur la première chaise à ma portée, lorsqu’un jeune Chagnon, un condisciple de Collège, fit la motion suivante : « Avec la permission de Mme L’Heureux, je propose que Monsieur Lacasse soit le président de cette réunion de famille et qu’il siège au fauteuil d’honneur à côté de l’héroïne du jour. » On applaudit, et moi j’eus l’insigne maladresse de faire injure à Demoiselle L’Heureux, en refusant d’accepter son bras, en disant : « Excusez-moi, mais je ne suis pas capable de faire un président. » Alors l’idée me vint, — que ne l’ai-je pas

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