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Je dis alors au cocher de tenir les chevaux par la bride et de me laisser asseoir.

Vingt minutes plus tard j’étais à la porte de chez Madame L’Heureux, ma riche cousine. Je descends de voiture avec beaucoup de précautions, puis je saisis d’une main fiévreuse mon porte-manteau. La porte s’ouvre ; j’entends une voix de l’intérieur de la maison qui crie : « Y est-il ? » — « Oui, maman, il y est ! Bonheur inespéré ! » Puis Mademoiselle L’Heureux ajouta ces mots : « Aujourd’hui, je ne m’appelle plus Demoiselle L’Heureux, mais simplement Imelda L’Heureuse tout le temps que vous resterez avec nous ». Mais moi, pas assez fin pour saisir la délicatesse de ce spirituel jeu de mots, je répondis d’une voix faible et tremblante : « Moi, je crois bien que je vais garder mon nom. » Trop bien élevée pour me faire sentir que j’avais dit une sottise, elle s’empressa d’ajouter : « Gardez-vous bien de changer de nom, je veux demeurer votre cousine ; et ma mère donc ! Elle ne vous a vu qu’une heure à peine et elle raffole à votre sujet. » Ceci m’a laissé à entendre que sa mère avait le raffolement facile.

J’entre donc avec mon porte-manteau de deux pieds de long, que je dépose dans le corridor. Demoiselle L’Heureux appelle la servante et lui dit d’aller porter mon « sachet » à la chambre que je devais occu-

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