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Le chemin passait près d’une cabane à sucre où nous cherchâmes en vain un filet d’eau. Nous marchions assez lestement encore vers la prairie tant désirée, quand, tout à coup, nous entendîmes un hurlement terrible, comme venant d’un animal enragé.

Cela nous glaça d’effroi.

— L’ours, l’ours ! Vite, sauvons-nous à ta cabane ; il n’y a pas une minute à perdre. Bon Ange Gardien, sauvez-nous. » Nous prenons nos jambes à notre cou en rebroussant chemin vers la cabane. Pacôme nous devançait ; les porteurs de fusils n’avançaient pas vite ; moi surtout, chargé de mon lourd mousquet appesanti de la gloire de Châteauguay, je me laissais distancer. Je regardai en arrière. Ne voyant pas l’ours venir, l’idée me vint de jeter mon fusil par terre, le canon en avant. Il s’accroche à une racine, le coup part sans crier gare. Je vois Pacôme tomber, portant en main son chapeau.

« Bonne sainte Anne, j’ai tué Pacôme ». m’écriai-je. Mais non, je le vois se relever ; il avait buté contre un caillou. Il ramasse son chapeau… hélas ! tout troué de plombs. Sans faire aucune remarque, il continue sa course, et nous arrivons à la cabane plus morts que vifs. Pas un mot n’est échangé entre nous. Nous entendons le bruit d’une charrette qui arrivait à la cabane. Un grand soupir de soulagement s’échappe de nos poitrines.

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