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rience et passées en règles de gouvernement ! L’unité du pouvoir exécutif et son tempérament par un conseil qui a une certaine part dans l’administration, la division du pouvoir législatif, le droit égal de tous à la représentation ; que de principes que nous ne possédons pas tous encore, et que Locke a complètement méconnus !

Comprend-on maintenant pourquoi un gouvernement, produit naturel de la vie nationale, tel que celui de l’Angleterre ou de l’Amérique ; un gouvernement qu’on n’improvise pas, mais qui s’établit de soi-même, et se modifie peu à peu suivant le sentiment populaire, est infiniment supérieur à toutes ces formes abstraites qu’un législateur, qu’une assemblée impose aux nations ? Quand on est sans expérience, on s’imagine aisément qu’il serait beaucoup mieux qu’un esprit supérieur, un Solon ou un Lycurgue inspiré, poussât le genre humain vers des destinées nouvelles. C’est là l’erreur constante des utopistes, qui restent toujours jeunes. Mais les faits inexorables prouvent que celle volonté individuelle à laquelle on soumet un pays, étant nécessairement incomplète, est forcément tyrannique.

On ne fait pas une nation à l’image d’un homme, et le législateur qui s’entête à cette œuvre chimérique n’arrive, malgré tout, qu’à l’impuissance et à la déception. L’histoire de la Révolution porte en caractères sanglants cette incontestable vérité. Ce n’est pas, remarquons-le bien, qu’un homme, qu’une assemblée, plus éclairée que le gros de la nation, ne puisse imaginer des institutions théoriquement plus parfaites que celles qui existent ; mais ce ne sont jamais celles que comportent le degré de civilisation, de faiblesse, les préjugés mêmes du pays. Vous me présentez un vêtement magnifique, mais qui me gêne et n’est pas fait pour moi ; il me faut violemment renoncer à mes idées, à mes sentiments,