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maître, et sans hyperbole cette fois, car il y a autant de degrés de maîtrise qu’il y a de régions dans l’art. La hiérarchie des écoles n’importe guère ; l’important est de ne pas être un écolier. C’est surtout en cette matière que le mot de César est juste : mieux vaut être le premier dans une bourgade que le second à Rome. Je préfère Téniers à Jules Romain, et Labiche à Crébillon père.

Ce n’est pas le hasard de la phrase qui rapproche sous ma plume le nom de Labiche et celui de Téniers. Il y a des analogies frappantes entre ces deux maîtres, et les magots de l’un, comme disait le Grand Roi, ressemblent beaucoup aux magots de l’autre. C’est, au premier abord, le même aspect de caricature ; c’est, en y regardant de plus près, la même finesse de tons, la même justesse d’expression, la même vivacité de mouvement. Le fond de ces joyeusetés à toute outrance, c’est la vérité. Cherchez dans les plus hautes œuvres de notre génération, cherchez une comédie plus profonde d’observation que le Voyage de M. Perrichon, ou plus philosophique que le Misanthrope et l’Auvergnat ? Eh bien, Labiche a dix pièces de cette force-là dans son répertoire. Pourquoi, doué à un si haut degré de la puissance comique, n’a-t-il pas eu l’ambition d’élever son genre, comme on dit ? Il n’a donné qu’une pièce au Théâtre-Français, Moi[1]. La

  1. Je ne parle pas de la Cigale chez les fourmis, parce que ce charmant petit acte appartient plus à Legouvé qu’à Labiche.