Page:Labiche - Théâtre complet, Calman-Lévy, 1898, volume 01.djvu/16

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

oublié ! Ingratitude humaine ! Ne devrions-nous pas graver en lettres d’or, sur nos monuments, les noms des bienfaiteurs qui entretiennent en nous la gaieté, l’un des deux privilèges qui distinguent l’homme de la bête ?

Un jour, un des fermiers de mon hôte mariait sa fille, et Labiche, pour ne pas me laisser seul, voulait m’amener à la noce ; mais je redoute les victuailles et je préférai garder la maison. Je passai donc la journée tout seul, dans la bibliothèque, et je ne me rappelle pas une journée plus divertissante ; il y avait là tout le répertoire de Labiche ! Je n’avais jamais lu ces pièces qui m’avaient tant réjoui à la scène ; je me figurais, comme bien d’autres, qu’elles avaient besoin du jeu abracadabrant de leurs interprètes, et l’auteur lui-même m’entretenait dans cette opinion par la façon plus que modeste dont il parlait de son œuvre. Eh bien, je me trompais, comme l’auteur, comme tous ceux qui partagent cette idée. Le théâtre de Labiche gagne cent pour cent à la lecture ; le côté burlesque rentre dans l’ombre et le côté comique sort en pleine lumière ; ce n’est plus le rire nerveux et grimaçant d’une bouche chatouillée par une barbe de plume ; c’est Ile rire large et épanoui où la raison fait la basse.

Quand Labiche rentra : « Je veux avoir votre théâtre, lui dis-je ; où se le procure-ton ? — Nulle part. Mes pièces ont été imprimées chez trente-six libraires en trente-six formats différents. — Faites