Page:Laberge - Visages de la vie et de la mort, 1936.djvu/69

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
61
VISAGES DE LA VIE ET DE LA MORT

— Dire qu’il n’a pas même vu le prêtre, se lamenta-t-elle.

Puis, elle se reprit à pleurer.

Le maçon sortit et alla chercher sa femme pour tenir compagnie à la jeune veuve et la réconforter à cette heure tragique.

Cette mort subite causa toute une surprise dans le village. Un homme si solide, en si bonne santé, un homme qui n’avait jamais été malade, terrassé si vite. C’était incroyable.

Pendant deux jours, ce fut un continuel défilé dans la demeure mortuaire.

Les funérailles eurent lieu la veille de Noël.

Comme on sortait le cercueil de la maison, la jeune veuve eut une crise de larmes.

Il faisait très froid depuis quelques jours et ce matin-là, le thermomètre indiquait 24 degrés au-dessous de zéro. Deux des neveux du défunt, ses plus proches parents, conduisaient le deuil.

— Ben, moi, j’aimerais pas ça m’en aller par un froid semblable, déclara le maçon Goyette.

Après les funérailles, le cadavre fut déposé pour l’hiver dans le charnier adossé à l’église, vu que l’on n’enterrait les corps qu’au printemps.

Et l’on jasa dans le village.

— Un homme qui a de l’argent, qui est en bonne santé, qui a une jolie femme, s’en aller comme ça, si rapidement, c’est de la malchance, disait un villageois.

— Après quatre mois de mariage seulement.

— Ah ! s’il était resté tranquille à travailler sur sa terre, je suis sûr qu’il serait encore vivant, disait un vieux.

— Une qui n’est pas malchanceuse, c’est sa femme.