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VISAGES DE LA VIE ET DE LA MORT

— Écoutez, Marie, je croyais que c’était des histoires que vous nous racontiez lorsque vous avez dit que vous étiez pour faire vos pâques cette semaine. Vous savez, j’aime pas qu’on m’en fasse accroire. C’est pour ça que je vous ai parlé comme j’ai fait. Mais i a pas de malice en moi et je n’ai pas de rancune contre vous. Pantoute. Vous avez eu la chance d’avoir une toilette comme cadeau, j’en suis contente pour vous.

Et maigre, sèche, grise et hypocrite, la femme de ménage s’efforçait de sourire.

— Je cherche jamais à en faire accroire à personne. J’ai demandé une robe à sœur Marcelin pour aller faire mes pâques. Elle me l’a donnée et je vais aller communier demain. Voilà, répondit placidement Marié.

— Ça c’est bien. Je vous prenais pour une menteuse. Je me trompais. Maintenant, Marie, on va prendre un verre de gin ensemble pour noyer ça.

À ces derniers mots, à cette invitation, Marie se sentit sans volonté aucune, sans résistance. Elle oubliait les propos insultants, injurieux, les provocations. Elle ne songeait qu’à la rude et âpre sensation de l’alcool lui brûlant la bouche, le gosier, les entrailles. La tentation était irrésistible.

— Ça se refuse pas, dit-elle.

— Attendez-moi un instant fit l’autre.

Et elle revint au bout d’un moment apportant un gros flacon de genièvre et deux verres.

À la vue de la bouteille, Marie fut remplie de béatitude.

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— Venez la voir votre Marie qui doit faire ses pâques