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VISAGES DE LA VIE ET DE LA MORT

Au bruit de la chute et en entendant le brouhaha, les femmes avec un visage épouvanté, accourent du fond de la cuisine pendant que les hommes se relèvent péniblement.

— Cré maudit ! En v’là des tours de force ! Des tours de farceur plutôt, fait Antoine Le Rouge qui se remet debout en se frottant une épaule.

On regarde le cercueil. Heureusement, la vitre n’est pas brisée. On le relève, on le remet sur la table.

— Il ne s’est pas fait mal, le pére ; il rit, remarque Siméon Rabottez.

Dans sa bière, le vieux maquignon avait toujours son sourire sardonique et semblait s’amuser de l’incident qui venait de se produire.

Mais Mouton était furieux.

— Vous savez seulement pas vous tenir d’aplomb sur ane table. Ben, vous viendrez me voir. J’vas donner ane séance dans la salle du marché, pis j’vous promets que j’ièverai vingt hommes. J’vous invite tous.

— Ça fait longtemps qu’on n’a rien pris, constate Napoléon.

Une fois de plus, Ernest sort et revient avec un flacon et des verres.

— Profitez-en, conseille-t-il. Icite, ça coûte rien, mais quand vous viendrez à la taverne, ce sera dix cents le verre. Le flacon vide est déposé dans un coin, à côté des quatre autres.

Juste comme les hommes s’essuyaient la bouche du revers de la main, la porte du dehors s’ouvre et un homme gros et court, en haut de forme, un gros cigare à la bouche, avec une grosse moustache noire et une lourde chaîne de montre dorée avec une énorme breloque fait son apparition. Il salue en entrant :