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VISAGES DE LA VIE ET DE LA MORT

Tous les matins, la cuisine, la salle à manger et les chambres étaient balayées et époussetées. Chaque samedi, c’était un ménage général et quatre fois par saison, grand nettoyage : lavage, frottage, essuyage. Le salon, la salle à manger s’ouvraient alors, subissaient une toilette en règle, puis les portes se refermaient.

Mme  Prouvé était une femme propre, très propre. Mais dans une maison si bien tenue, un enfant c’est un embarras. Alors, l’été, Tout P’tit descendait l’escalier extérieur et s’asseyait sur la dernière marche où il passait des demi-journées immobile à voir défiler les passants qui regardaient curieusement ce petit être chétif, malingre, mal venu, toujours immobile sur son degré d’escalier, qui refusait de croître et qui ne jouait jamais.

— Il est ben sage vot’p’tit garçon, remarquait parfois une voisine à la mère.

— Oui, c’est effrayant c’qu’il est tranquille. I r’mue jamais. Moi, faut que j’fasse quelque chose. J’peux pas rester à rien faire.

Elle balayait, elle frottait, elle essuyait.

L’hiver, Tout P’tit descendait chez sa grand’mère, au rez-de-chaussée.

Frileusement, il s’installait dans un fauteuil rembourré et restait là des heures près de la vieille silencieuse, pendant qu’en haut, à l’étage supérieur, Mme  Prouvé frottait et époussetait.

Le père, lui, il travaillait dans sa petite boutique de menuisier, exécutant des travaux de réparations pour le voisinage, construisant une clôture de cour ou réparant le cadre d’une porte.

À six ans. Tout P’tit en paraissait à peine quatre. Il ne se décidait pas à grandir. Il resta encore un an à la