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LE DESTIN DES HOMMES

magasin de la ville, celui-ci informa la marchande que la comptable de la poterie Duclos, sise deux paroisses plus loin, venait de se marier et que le gérant lui cherchait une remplaçante.

— Vous ne me conduiriez pas là ? demanda la veuve Rendon, prenant une subite décision.

— Si vous étiez prête cet après-midi je pourrais y aller.

Un nouvel espoir se leva dans l’âme de la marchande.

Apprenant que la candidate à la position vacante possédait une longue expérience dans ce genre de travail, le gérant l’engagea sur-le-champ.

— Vous pouvez commencer aujourd’hui même, déclara-t-il.

— Faut tout de même que je me trouve une pension et que je fasse venir mon linge, expliqua-t-elle.

Alors l’homme lui donna l’adresse d’une maison où elle pourrait avoir une chambre et les repas.

Le lendemain elle entrait en fonctions. Le même jour elle apprenait qu’un ouvrier de la poterie était mort la veille de la silicose. Un autre avait été emporté le mois précédent par le même mal. On ajoutait qu’un troisième venait d’être conduit à l’hôpital. Enfin, la nouvelle comptable apprenait qu’en un peu plus de deux ans onze potiers avaient succombé à la silicose…

Ces informations furent une douche sur l’enthousiasme de la veuve Rendon.

Alors qu’elle avait été engagée, le salaire n’avait pas été spécifié, mais lorsqu’elle ouvrit son enveloppe au bout de la semaine, elle constata avec surprise et regret qu’on ne la payait que huit piastres, soit seulement une de plus que ce qu’elle payait pour sa pension. Désappointée au