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LE DESTIN DES HOMMES

— Pourquoi parler de mourir ? fait Léonie. Vous êtes malade, vous êtes faible, épuisée, et vous avez des pensées noires. Mais vous devriez essayer de les chasser. Je suis certaine que vous allez guérir. J’oserais dire qu’avant deux mois vous serez rétablie et sur pied, toute heureuse au milieu de votre petit monde.

— Je voudrais bien vous croire, mais je suis si inquiète. Voyez-vous, Léonie, je m’adresse à vous parce que vous êtes la seule en qui j’ai confiance. Vous seriez une vraie mère pour mes petits. Si vous promettiez, je mourrais tranquille, je m’en irais en paix.

— Bien, je vais vous dire une chose, c’est que je vous promets de veiller sur eux.

Sur cette assurance, la malade ferme les yeux et Léonie se retire.

— Ah ! de son mari, je n’en veux pas, répète-t-elle en s’en allant.


Une cliente portant sous le bras un colis enveloppé dans un journal entra un après-midi dans le magasin de la veuve Rendon. C’était Mme Cheval, dont le mari était mort il y avait six mois.

— Je vous apporte un habillement de mon défunt pour que vous y fassiez de petits changements. Vous savez, je dois me remarier dans dix jours. Mon futur ne travaille pas depuis quatre mois, car il a été malade. Alors, il n’a pas d’argent pour s’acheter de nouvelles hardes pour la cérémonie. Nous avons parlé de ça tous les deux et nous avons décidé qu’il portera l’habit de mon mari, qui est dans la garde-robe et qui ne sert à rien. Il faudrait raccourcir les manches. Les culottes sont aussi trop longues. Faudrait en enlever un peu aux jambes. Pouvez-vous faire ce travail-là ?