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LE DESTIN DES HOMMES

nible. Au lieu de cela, c’était une femme maussade, grincheuse, que Massé trouvait en rentrant chez lui. Jamais une heure de joie, de contentement. Pas une parcelle de bonheur à son foyer. Son ami et associé Frank Fagan qui était marié et avait trois enfants, deux garçons et une fille, paraissait être très heureux, absolument satisfait de son sort. Comme leurs destinées étaient différentes, songeait-il souvent.

Fréquemment au cours de ces années d’infortune, Massé se demandait quel aurait été son sort s’il avait épousé garde Brophy au lieu d’Eileen Forrester. Dans ces moments, il se plaisait alors à se dire que son existence aurait été toute autre, qu’il aurait connu ces joies d’un foyer uni, qu’il aurait goûté la douceur d’une entente parfaite avec sa compagne. Et toujours, il se posait la question : Qu’était devenue son ancienne amie ? Pourquoi n’avait-elle pas répondu à ses lettres ? Pourquoi avait-elle quitté l’hôpital sans le prévenir ? Autant d’énigmes qu’il ne pouvait expliquer et qui restaient pour lui des mystères.

Pendant ce temps, le fils Victor grandissait. Il était aux études, fréquentait un collège de renom et le père le voyait rarement. Cela ne l’affligeait guère, car le garçon était trop semblable à sa mère. Il avait hérité du caractère difficile et acariâtre de celle-ci, et ne témoignait jamais d’affection à l’auteur de ses jours. Au contraire, dans les discussions et les querelles qui surgissaient souvent entre ses parents, il intervenait ordinairement lorsqu’il était présent, lançant un mot désagréable à son père et prenant le parti de sa mère, même lorsqu’elle avait manifestement tort.

Non. Philémon Massé n’était pas heureux dans sa maison. Alors, pour oublier, il s’absorbait le plus possible dans sa besogne. Là, il oubliait momentanément ses ennuis.