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LE DESTIN DES HOMMES

Un nouvel amour chasse un amour malheureux. Après une vaine tentative pour retrouver garde Brophy, son amie, il avait rencontré une autre jeune femme qui lui faisait oublier l’autre.

Évidemment, Massé traversait une crise amoureuse et il se serait épris de toute autre femme qui lui aurait témoigné de l’intérêt. C’était l’instinct qui parlait en lui…

Une vive sympathie qui, en deux jours devint un sentiment dominateur, puis un fougueux attachement, lia bientôt ces deux jeunes gens. Ils se sentaient irrésistiblement attirés l’un vers l’autre. À la fin de la traversée, ils s’aimaient éperdument et ne comprenaient pas qu’ils pussent jamais être séparés. En débarquant, ils coururent chez un ministre de l’église presbytérienne — secte religieuse de la jeune fille — qui les maria en dix minutes.

Désormais, ils étaient mari et femme pour la vie.

Le bonheur entrevu n’était qu’un rêve.

Le désenchantement vint vite pour Philémon Massé. La jeune fille si séduisante, si charmante, qui l’avait ensorcelé en quelques jours, n’était plus celle qui l’avait conquis. Au bout d’un mois à peine, elle s’avérait un être désagréable, violent, impossible à endurer. C’était une femme acariâtre, hargneuse, cherchant toujours à blesser. Une mégère dans toute la force du mot. Son mari se rendait compte qu’elle était irresponsable. C’était sa nature qui était ainsi.

Elle aurait été la même avec n’importe quel homme qu’elle aurait épousé.

Ah ! les beaux rêves qu’il avait faits pendant les six jours de la traversée lui avaient apporté de bien cruelles désillusions. Et il n’y avait rien à faire, rien à espérer. On ne change pas un caractère déjà formé. Il savait qu’il serait malheureux toute sa vie. Une amère résignation entrait en lui. Néanmoins après deux ans de mariage, les époux eu-