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LE DESTIN DES HOMMES

tion embarrassante et pour lancer une couple de jabs sur le nez du mineur comme la ronde finissait.

— Si Brisebois avait voulu, il aurait battu son homme. Il le tenait à sa merci et il pouvait le finir avec quelques bons coups, déclarait un spectateur.

— Oui, mais il manque de cœur et d’énergie, riposta le voisin.

Le cinquième assaut vit le Canadien français fournir un vaillant effort. Coup sur coup il appliqua une demi-douzaine de directs à la figure de Mooney, qui fit une prise de corps. Pendant qu’il entourait Brisebois de son bras gauche, il lui décocha de sa droite un dur coup en bas de la ceinture. Une douleur aiguë, affolante, plia ce dernier en deux. Foui ! Foui ! clama la foule. L’arbitre avertit sévèrement Mooney que, s’il recommençait, il serait disqualifié. Après une halte de quelques secondes pendant lesquelles Brisebois se remit un peu, le combat recommença. Le coup interdit avait cependant affecté le mineur, qui se montrait hésitant, timide. Son adversaire en profita pour se lancer à l’attaque. Brisebois fut toutefois assez chanceux pour planter sa droite avec force sur le menton de Mooney, le faisant chanceler. Celui-ci s’accrocha toutefois à son rival et, une fois de plus, le frappa brutalement dans le bas-ventre. Brisebois fut comme cassé en deux. Faisant entendre un sourd grognement, il se tordait dans une agonie atroce. À ce moment M. Lafleur perdit la tête. Emporté par la colère, d’un mouvement prompt, irréfléchi, absolument stupide, au mépris de tous les règlements de la boxe, il enjamba les câbles de l’arène pour porter secours à son homme qui allait crouler au plancher. Devant le geste insensé du gérant de Brisebois, l’arbitre demeura un moment surpris, indécis, puis, prenant la main de Mooney, il l’éleva, lui accordant la victoire à cause de la mala-