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LE DESTIN DES HOMMES

Le cadavre du jeune prêtre ou plutôt quelques ossements calcinés furent trouvés dans les ruines, à l’endroit du chœur, près de l’ostensoir tordu et à demi fondu. Sur son cercueil, l’on plaça la gerbe de pivoines et de syringas qui devait orner la table d’honneur lors du grand dîner de famille qui devait suivre la cérémonie religieuse.

Les funérailles conjointes des malheureuses victimes eurent lieu le mardi matin à un autel de circonstance élevé en plein air dans le cimetière et c’est l’évêque lui-même qui officia à cet office funèbre. Après avoir ordonné Jean Lebau prêtre le samedi, il chantait son service trois jours plus tard.

Une imposante église à deux clochers a remplacé l’ancienne, mais le souvenir du terrible holocauste qui a plongé une paroisse entière dans le deuil, s’est perpétué dans toutes les familles. Au cimetière s’élève une haute croix de granit portant l’inscription :

À la mémoire des cent sept victimes du grand incendie de la vieille église, en 1895. Elles reposent dans la paix du Seigneur.

La jeune Simone, la seule survivante de la famille Lebau, devenue orpheline à douze ans, fut adoptée et élevée par la tante Héloïse. Elle ne devait pas échapper toutefois à la destinée tragique des siens. À l’âge de dix-neuf ans, elle épousa un brave garçon, mais elle et son mari périrent, furent brûlés vifs avec sept autres voyageurs dans un incendie qui rasa l’hôtel où ils s’étaient arrêtés pour passer leur nuit de noces.

Quant au servant de messe qui, par un geste maladroit, avait involontairement causé l’effroyable catastrophe dans laquelle cent sept personnes avaient trouvé la mort, il vit encore. Après avoir tenu pendant cinquante ans un magasin général et avoir acquis une confortable