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LA SCOUINE

tines, un moule à chandelles, un fanal, cinq gallons de mélasse et un rabot, toutes choses que Deschamps était certain de ne pas avoir achetées et surtout, de ne pas avoir obtenues à crédit. Les autres cultivateurs qui avaient reçu des lettres avaient la même surprise. Ils trouvaient sur leur facture l’énumération de quantité de marchandises qu’ils n’avaient jamais eues. La demande de paiement se terminait par l’avis que si le compte n’était pas acquitté dans une semaine, des procédures seraient prises contre le débiteur.

Deschamps déchira la feuille en jurant et ne s’en occupa pas davantage.

Huit jours plus tard, il était à battre son orge, lorsque Mâço vit tout-à-coup arriver une voiture qui s’arrêta devant la porte.

— Le bailli ! s’exclama-t-elle, en reconnaissant Étienne St-Onge qui descendait de sa barouche. C’était en effet l’huissier qui parcourait la paroisse, distribuant toute une fournée de papiers judiciaires. Les Linche tenaient leur promesse.

Le pays allait avoir des procès.

La Scouine alla en courant chercher son père qui arriva la figure et les vêtements couverts de poussière. St-Onge lui remit les documents par lesquels les Linche lui réclamaient leur dette. Deschamps ne put contenir son indignation et les traita de voleurs et de canailles. Inquiet, l’huissier se hâta de déguerpir, craignant que Deschamps ne fit passer sa colère sur lui.

Le soir, le souper au pain sur et amer, marqué d’une croix, fut d’une morne tristesse.

Deschamps dut faire plusieurs voyages au village pour consulter un avocat. Lorsque la cause fut