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IMAGES DE LA VIE

Lorsque la porte se fut refermée, la fille se trouva soulagée. La vie lui apparaissait maintenant plus belle que jamais. Deux jours plus tard, elle lut dans le journal que son ancien ami s’était empoisonné et était mort à l’hôpital. Toutefois, comme elle était toute à son nouvel amour, ce drame ne l’affecta en aucune façon, la laissa indifférente. Sa liaison de quatre ans était une chose du passé, avait absolument cessé de l’intéresser.

Louise Lefebvre et le chauffeur Lebeau devinrent en quelques jours un couple de fervents amoureux. Le garçon possédait une automobile et le soir, après le travail, il faisait avec son amie de longues promenades qui leur procuraient à tous deux des heures d’un bonheur sans mélange. Le chauffeur Lebeau était un garçon sérieux et comme il avait rencontré la jeune fille qui réalisait son idéal, il lui demanda un soir de l’épouser. Louise comprit alors qu’elle allait être complètement, parfaitement heureuse. Ils s’étaient fixé une limite de deux mois pour se chercher une maison, pour acheter leurs meubles et faire tous les autres préparatifs. Jamais Louise ne songeait un moment à celui qui s’était enlevé la vie parce qu’il l’avait perdue. Les beaux jours passent vite. Maintenant, la maison des futurs mariés était louée, les meubles achetés. Déjà, Louise avait reçu sa bague et elle avait donné avis à l’usine qu’elle cesserait de travailler le prochain samedi. Il était entendu que ce soir-là, les deux promis iraient ensemble chez le bijoutier choisir l’alliance. Or, le samedi, cinq minutes avant la sortie des employées, Louise eut l’idée d’aller griller une cigarette dans la chambre de toilette comme elle le faisait assez souvent. Dans son après-midi elle avait rempli deux cents détonateurs et elle trouvait qu’elle avait assez travaillé. C’était son dernier jour à l’usine et il lui semblait qu’elle devait le terminer par un petit plaisir défendu, car dans cet établissement rempli de poudre, il était strictement interdit de fumer. Toutefois, comme d’autres ouvrières, elle avait caché une cigarette dans ses abondants cheveux noirs et dissimulé une allumette sous un emplâtre en toile gommée qu’elle s’était dans ce but collé sur une jambe. Elle venait d’entrer dans la chambre lorsqu’on