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RÉFLEXIONS

Oui, parlons-en de nos belles familles canadiennes françaises. Souvent, la brute répugnante qui, pour sa satisfaction d’un moment, a lancé dix, douze, quinze, vingt enfants dans la vie, décide aussitôt que ceux-ci commencent à gagner, qu’il a assez travaillé, qu’il a fait sa part. Avec un aplomb inconcevable, il déclare que c’est maintenant aux siens de le nourrir et de l’entretenir. Il a accompli son devoir. D’un geste de satisfaction béate, il se pose sur la tête une imaginaire couronne, la glorieuse couronne des pères de nombreuses familles. Désormais il mène une vie de fainéantise et exige qu’on prenne soin de lui. Un écœurant que ses enfants devraient mettre dehors à grands coups de pied au derrière pour l’envoyer se chercher une job.

Et que dire de ces familles où frères et sœurs sont des féroces ennemis, jaloux, envieux les uns des autres, faisant tout pour se nuire, se réjouissant des épreuves et des malheurs qui arrivent à l’un d’entre eux. Ne vaudrait-il pas mille fois mieux, n’avoir ni frères, ni sœurs ?

L’on a empoisonné mon enfance avec la crainte de l’enfer et des châtiments éternels. Aujourd’hui, toutefois, délivré de ces vaines terreurs, je peux vivre en paix les jours de ma vieillesse. Et j’ai renoncé sans regret aux célestes récompenses, aux chimériques paradis.

Aujourd’hui, il n’y a plus de mendiants, il y a seulement les rentiers de l’état.

Il y a deux sortes de millionnaires. Il y a ceux qui possèdent des industries colossales, d’immenses usines employant des armés d’ouvriers, qui ont des coffres-forts remplis d’actions de