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« Le Chant de la Paix »

nous en tirer à si bon compte, j’accepte volontiers la charge de surveiller cet homme.

Vous comprenez quel intérêt, il y avait pour moi d’exécuter fidèlement cette mission ; je n’ai pas besoin de faire de longs commentaires sur le zèle que j’y apportai puisque vingt années se sont écoulées sans que mon secret fût découvert. Les raisons qui m’ont décidé à dévoiler après une si longue période, cette tragédie navrante sont les suivantes : Frappé d’un mal qui ne pardonne pas à mon âge, un mal qui a déjà depuis quatre ans, couché mon épouse dans la tombe, j’ai vu chaque jour mes forces décliner, Je compris que le moment de l’expiation approchait. Je réalisai alors toute l’étendue de ma faute. Témoin jadis de l’exécution de cette malheureuse jeune fille, le remords terrible, implacable vint s’ajouter à ma douleur, rendant n vie presque insupportable. Je me trouvais placé dans la plus cruelle alternative. Apres avoir longuement réfléchi, je conclus que mon silence devenait la plus épouvantable injustice puisque sans utilité pour personne, j’empêchais à jamais que cette jeune héroïne reprenne aux yeux de son peuple, la place d’honneur qu'avait méritée sa grande bravoure. Il ne me restait plus qu’à trouver le moyen d’agir. Incapable déjà de me lever, j’avais peu de chances de mener a bonne fin mon projet. Tout à coup une idée subite me vint. Si j’essayais, me dis-je, de ramener la lumière dans le cerveau obscurci de cet homme que je dois garder, peut-être pourrais-je, par lui, réaliser le moyen à prendre. Avec un courage désespéré, je me mis à la tâche. Jugez de ma surprise, lorsqu’après un temps relativement très court, je m’aperçus que j’allais guérir cet homme, rien qu’en évoquant les moments terribles, de cette sombre tragédie, je ramenais peu à peu la lumière dans ce cerveau que la souffrance et les misères de toutes sortes avaient obscurci. Je n’ai pas besoin de vous en conter davantage, je suis sûr que vous me croyez.