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et des missions chrétiennes et humanitaires, » que servirait la neutralité du Congo.

M. de Laveleye cite, à l’appui de son opinion, celle du célèbre voyageur allemand Rohlfs, celle de M. de Lesseps, les démarches concordantes de plusieurs sociétés auprès du gouvernement anglais. Il se fonde aussi sur un précédent de même nature, celui concernant la navigation du Danube, pour en conclure que le projet qu’il préconise n’est pas irréalisable. Je le crois moi-même fermement, et c’est à cause de cela que je souhaite fort que l’Institut évoque l’affaire à lui. Il y a là une œuvre utile à accomplir, ou tout au moins une question importante à examiner.

Je ne pense pas que, quant au fond, il se produise parmi nous de sérieux dissentiments, ni que nous ayons beaucoup de peine à tomber d’accord sur les clauses à insérer dans un traité, destiné à garantir la libre circulation et le libre négoce sur le grand fleuve africain. Élaborer le texte d’une semblable convention ne constituerait donc pas un travail bien méritoire ; mais, à mon avis, cela ne devrait être, de notre part, que l’acheminement à une action plus directe sur les gouvernements. Peut-être même pourrait-on s’en dispenser.

Les États civilisés sont tous plus ou moins intéressés à ce qu’aucune puissance ne s’attribue un droit exclusif de passage sur tout ou partie de cette magnifique artère fluviale, qui donne accès dans le vaste bassin de l’Afrique équatoriale ; mais aucun d’eux n’a manifesté jusqu’ici l’intention de se mettre en avant pour provoquer une entente dans ce sens, et il est douteux que, livrés à eux-mêmes, ils sortent de leur réserve. La question se trouve dans une phase analogue à celle qui, en 1864, a précédé la signature de la Convention de Genève. L’opinion publique réclamait alors la neutralisation du service sanitaire des armées ; les gouvernements, de leur côté, ne demandaient pas mieux, au fond, que de la proclamer, mais il fallait quelqu’un pour leur donner une impulsion décisive, et ce fut un comité tout à fait privé qui s’en chargea, avec succès. Aujourd’hui de même, quoique l’idée de neutraliser le Congo ne paraisse pas devoir soulever d’objections majeures, la diplomatie hésite à en prendre l’initiative, et, pour qu’elle s’y décide, il suffirait peut-être de la mettre formellement en demeure d’agir.

Or, peu de voix seraient mieux qualifiées pour cela que celle de l’Institut de droit international. Notre compagnie revêt un caractère d’impartialité si fortement accentué, qu’elle ne peut être suspecte à personne ; d’autre part sa compétence est indiscutable ; enfin cela rentre tout à fait dans son programme : ne s’agit-il pas, en effet, « de contribuer au main-