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geté à ses séductions. Sa figure était empreinte d’un charme fugitif, qui semblait prouver que nous sommes à chaque instant des êtres nouveaux, uniques, sans aucune similitude avec le nous de l’avenir et le nous du passé. Je ne l’avais jamais vue aussi éclatante. Savez-vous, dit-elle en riant, que vous avez — piqué ma curiosité ? Je ne la tromperai pas, répondis-je froidement en m’asseyant près d’elle et lui prenant une main qu’elle m’abandonna. Vous avez une bien belle voix Vous ne m’avez jamais entendue, s’écria-t-elle — en laissant échapper un mouvement de surprise. Je vous prouverai le contraire quand cela sera nécessaire. Votre chant délicieux serait-il donc encore un mystère ? Rassurez-vous, je ne veux pas le pénétrer. Nous restâmes environ une heure à causer familièrement. Si je pris le ton, les manières et les gestes d’un homme auquel Foedora ne devait rien refuser, j’eus aussi tout le respect d’un amant. En jouant ainsi, j’obtins la faveur de lui baiser la main ; elle se déganta par un mouvement mignon, et j’étais alors si voluptueusement enfoncé dans l’illusion à laquelle j’essayais de croire, que mon âme se fondit et s’épancha dans ce baiser. Foedora se laissa flatter, caresser, avec un incroyable abandon. Mais ne m’accuse pas de niaiserie ; si j’avais voulu faire un pas au-delà de cette càlinerie fraternelle, j’eusse senti les griffes de la chatte. Nous restâmes dix minutes environ, plongés dans un profond silence. Je l’admirais, lui prêtant des charmes auxquels elle mentait. En ce moment, elle était à moi, —

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