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net a retrouvé la faveur dont il jouissait aux heures où brillait la Pléiade. On estime qu’il n’offre pas à la pensée du poète un cadre trop étroit, et M. Sully-Prudhomme a lui-même composé un recueil de sonnets d’une beauté à la fois intellectuelle et sensible. Plusieurs de ces petits poèmes qui composent le recueil des Épreuves expriment dans le plus suave langage la pensée la plus profonde. Tels sont assurément les sonnets sur la Grande Ourse et sur les Danaïdes. Tel est le sonnet qui commence par cette strophe délicieuse :

S’il n’était rien de bleu que le ciel et la mer,
De blond que les épis, de rose que les roses,
S’il n’était de beauté qu’aux insensibles choses,
Le plaisir d’admirer ne serait point amer.

C’est surtout par ses petits poèmes, par ses stances et ses élégies, que M. Sully-Prudhomme est connu de beaucoup et chèrement aimé. Son premier poème de longue haleine, la Justice, ajouta à l’admiration qu’inspirait aux lettres un poète si sincère, sans accroître beaucoup la sympathie qui montait de toutes parts du fond des âmes élégantes et douces vers l’auteur des Solitudes. C’est pour ses élégies que M. Sully-Prudhomme avait été tout d’abord adoré et béni. Et quel amour et quelles bénédictions ne méritait-il pas pour nous avoir versé ce dictame, inconnu avant lui, cet exquis mélange dans lequel l’intelligence se fondait avec le sentiment pour nous rafraîchir le cœur et nous fortifier l’esprit ? C’était un miracle qu’il y eût un poète à la fois si sensible et si