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nergie, âpre, sauvage, fier, montrant les dents et multipliant les ardentes morsures de son éloquence irritée. Sa voix, ses yeux crachent le feu et il garde jusque dans sa colère une expression de noblesse et de bonté.

Là M. le duc de Broglie (car il serait permis de placer dans cette galerie les illustres proscrits du suffrage populaire, ceux-là dont l’absence est éclatante : Præfulgebant eo quod non visebantur) déroulerait d’une voix débile ces harangues d’une ordonnance magnifique, d’un style riche et souple, d’une trame absolument pure, dont le souvenir est resté présent dans la mémoire de tous les connaisseurs.

Là, M. Léon Say, causeur facile et charmant, abondant et précis, donnant la vie aux chiffres, exposant avec lucidité les questions les plus ardues, contant des historiettes à ravir, conduisant ses discours comme de longues promenades à travers la campagne et relevant sa bonhomie familière par le mordant de sa voix et la finesse de son ironie.

Là, M. Bocher, dans sa pure et noble élégance, passant son petit mouchoir sur ses lèvres, et, la mémoire fraîche, la voix jeune, le geste souple, répandant la grâce avec la clarté sur les questions de finances, et montrant dans la discussion une brièveté impérieuse ; une politesse froide, une courtoisie hautaine.

Là encore, M. de Freycinet, si mince, si fin, si pâle, portant la clarté jusqu’à la splendeur, abondant et tranquille, faisant couler à petits flots chantants et caressants sa phrase incolore et lucide, et construisant, devant