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la vie littéraire.

jours le bienvenu. C’est une joie que de le voir entrer, son carton d’aquarelles sous le bras, ses poches bourrées de bouquins en lambeaux et de manuscrits illisibles, bienveillant, absent de tout, radieux, le regard perdu dans le vide.

— Asseyez-vous, Florentin Loriot, et donnez-nous de fraîches nouvelles de la Providence. Comment va l’Absolu, comment se porte l’Infini ?

Et le voilà déroulant sa métaphysique. Oh ! sa métaphysique, c’est un cahier d’images avec des légendes en vers. Mais Florentin Loriot est subtil et dispute habilement.

La dernière fois que j’eus le plaisir de le voir, il m’exposa ses théories sur le roman.

— Mon ami, me dit-il, faites du roman d’aventures ; rien n’est beau que cela.

Il venait de découvrir les Mousquetaires, et cette découverte avait été suivie pour lui de quelques autres plus merveilleuses. Il m’en fit part avec une grâce dont je ne saurais pas même vous montrer l’ombre. Mais ce qu’il disait revenait en somme à ceci.

Le vieux Dumas faisait des contes, et il avait raison. Pour plaire et pour instruire, il n’est tel que les contes. Homère en faisait aussi. Nous avons changé cela et c’est notre tort. Les romanciers d’aujourd’hui se contentent d’observer des attitudes ou d’analyser des caractères. Mais les attitudes n’ont par elles-mêmes aucune signification et partant nul intérêt. Quant aux caractères, ils demeurent obscurs pour ceux qui s’obstinent à les étudier