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main qui les tailla leur imprima les caractères de l’idéal ou tragique ou comique.

M. Belloc, élève de Mercié, a modelé pour le Petit-Théâtre des têtes d’un grotesque puissant ou d’une pureté charmante. Sa Miranda a la grâce fine d’une figure de la première Renaissance italienne et le parfum des vierges de ce bienheureux XVe siècle qui fit refleurir pour la seconde fois la beauté dans le monde. Son Ariel rappelle, dans sa tunique de gaze lamée d’argent, les figurines de Tanagra, parce que sans doute l’élégance aérienne des formes appartient en propre au déclin de l’art hellénique.

Ces deux jolis fantoches parlaient par les voix pures de mesdemoiselles Paule Verne et Cécile Dorelle. Quant aux plus mâles acteurs du drame, Prospère, Galiban, Stephano, c’étaient des poètes tels que MM. Maurice Bouchor, Raoul Ponchon, Amédée Pigeon, Félix Rabbe, qui les faisaient parler. Sans compter Coquelin cadet, qui n’a point dédaigné de dire le prologue, ainsi que le gai rôle du bouffon Trinculo.

Les décors, certes, avaient aussi leur poésie. M. Lucien Doucet a représenté la grotte de Prospero avec cette grâce savante qui est un des caractères de son talent. Le bleu qui chantait dans ce tableau délicieux ajoutait une harmonie à la poésie de Shakespeare.

La traduction de la Tempête, que nous venons d’entendre, est de M. Maurice Bouchor. Elle m’a beaucoup plu et j’ai grande envie de la lire à loisir. Elle est en prose, mais d’une prose rythmée et imagée. Je ne puis