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LA VIE LITTÉRAIRE.

doute ; mais c’est un pauvre bagage en amour qu’une impitoyable honnêteté. Non, il n’avait pas l’âme belle. Dans les belles âmes, une divine indulgence se mêle à la passion la plus furieuse.

S’il est vrai qu’on ne trouve guère d’amour sans haine, il est vrai aussi qu’on ne voit guère de haine sans pitié. Ce malheureux avait le crâne étroit. C’était un fanatique ; c’est-à-dire un homme de la pire espèce. Tous les fanatismes, même celui de la vertu, font horreur aux âmes riantes et largement ouvertes. Le mal vient uniquement de ce Clémenceau qui eut le tort d’épouser une femme qui n’était pas faite pour cela. Les Grecs le savaient bien, que toutes les femmes ne sont pas également propres à faire des épouses légitimes. Il ne pénétrait pas assez le mystère des appétits et des instincts. S’il avait soupçonné le moins du monde les obscurs travaux de la vie animale, il se serait dit, comme le bon médecin Fagon, qu’il faut beaucoup pardonner à la nature. Il aurait murmuré dans le fond de son âme ce que l’aimable Sardanapale de Byron disait sur son bûcher à la jeune Myrrha : « Si ta chair se trouble, si tu crains de te jeter à travers ces flammes dans l’inconnu, adieu, va et sache bien que je ne t’en aimerai pas moins, mais qu’au contraire je t’en chérirai davantage pour avoir été docile à la nature. » Et il aurait pleuré, et son cœur se serait amolli, il n’aurait pas tué la pauvre Iza, que d’ailleurs il n’aurait pas préalablement épousée.

Certes, c’était une mauvaise fille. Elle avait des instincts pervers. Mais sommes-nous tout à fait responsa-