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l’on ne comptait que ses années, elle était encore une enfant ; mais elle avait la maturité de l’âge pour la prudence et le jugement. Belle de visage, plus belle de foi, comme elle revenait de l’école, le fils du proconsul l’aima et lui promit des pierres précieuses et des richesses sans nombre si elle consentait à devenir sa femme. Agnès lui répondit : «  Éloigne-toi de moi, pasteur de mort, amorce de péché et aliment de félonie. Car il en est un autre que j’aime. » Et alors elle commença à louer son amant et divin époux… » Je vous conterais tout le reste, pour peu que vous m’en priiez, et surtout comme le gouverneur l’ayant fait mettre nue, ses cheveux s’allongèrent miraculeusement et lui firent une robe d’or. C’est là un conte charmant, et les légendes des vierges martyres, telles qu’elles fleurirent au XIIIe siècle, sont autant de joyaux dont il faut goûter à la fois la richesse éblouissante et la naïveté barbare. Ce sont les chefs-d’œuvre d’une orfèvrerie enfantine et merveilleuse. Le bon peuple en resta longtemps ébloui et ce fut jusqu’au XVIe siècle, la poésie des pauvres. Mais M. Zola se trompe fort s’il croit que la religion d’aujourd’hui en a gardé le moindre souvenir. Ces légendes gothiques, devenues suspectes aux théologiens, ne sont maintenant connues que des archéologues. En faisant vivre son Angélique dans ce petit monde poétique qui emplissait de joie et de fantaisie les têtes des paysannes au temps de Jeanne d’Arc, il a fait un étrange anachronisme. Il est vrai qu’il suppose que son héroïne a découvert elle-même toute cette féerie chrétienne dans un