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profession. Il épouse la chasteté et nous donne ainsi le plus édifiant exemple. On peut seulement regretter qu’il célèbre avec trop de bruit et d’éclat cette mystique alliance.

Ne saurait-il donc être pudique sans le publier dans les journaux ? Faut-il que le lis de Saint-Joseph devienne dans ses mains un instrument de réclame ? Mais sans doute il voulait se cacher, et il n’a pas pu.

En vérité, la renommée est parfois importune. Il en est de M. Émile Zola comme de ce mari de la fable qui confessa un matin avoir pondu un œuf et qui, le soir, en avait pondu cent, au dire des commères. L’auteur du Rêve confia un jour à son ombre son désir de quitter nos fanges et de voler en plein ciel, et le lendemain tous les Parisiens surent qu’il lui avait poussé des ailes. On les décrivait, on les mesurait ; elles étaient blanches et semblables aux ailes des colombes. On criait au miracle. Des journalistes, peu tendres d’ordinaire, se sont émus de cette touchante merveille. « Voyez, disaient-ils, comme cette âme longtemps vautrée dans le fumier plane aisément dans l’azur. Désormais l’auteur du Rêve passe en pureté saint Catherine de Sienne, sainte Thérèse et saint Louis de Gonzague. Il faut lui ouvrir à deux battants les salons littéraires et l’Académie française. Car Dieu l’a érigé en exemple aux gens du monde. »

Je préférerais pour mon goût une chasteté moins tapageuse. Au reste, j’avoue que la pureté de M. Zola me semble fort méritoire. Elle lui coûte cher : il l’a payée de tout son talent. On n’en trouve plus trace dans