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indifférents à nous-mêmes et pour dissoudre nos âmes dans les choses. Enfin, l’ombre mouvante qui tremble sur le feuillet du livre et le bourdonnement de l’insecte qui passe entre l’oeil et la page mêlent à la pensée de l’auteur une impression délicieuse de nature et de vie.

Avec quelle docilité j’ai suivi, dans mon bois, l’enseignement de M. Gaston Pâris ! Comme j’entrais volontiers avec lui dans l’âme de nos aïeux, dans leur foi robuste et simple, dans leur art tantôt grossier, tantôt subtil, presque toujours symétrique et régulier comme les jardins sans arbres des vieilles miniatures ! Le malheur est que je dévorai en quelques heures un livre fait au contraire pour être longuement étudié, et dans lequel les notions sont puissamment condensées. C’est pourquoi je ressens une sorte de trouble et comme une hallucination. Il me semble que cette vieille France que je viens de traverser si vite, cette terre bien-aimée, avec ses forêts, ses champs, ses blanches églises, ses châteaux et ses villes, était petite comme le pré que je découvre là-bas entre les branches ; il me semble que ces siècles de grands coups d’épée, de prières et de longues chansons s’écoulèrent en quelques heures. Chevaliers, bourgeois, manants, clercs, trouvères, jongleurs, m’apparaissent comme ces insectes qui peuplent l’herbe à nos pieds. C’est une miniature dont mes yeux ont gardé l’impression, une miniature si fine qu’on pourrait découvrir les plus menus détails en regardant à la loupe. Les contes des fées parlent d’une toile d’un tel artifice qu’elle tenait tout entière dans une coquille de noisette, et sur cette toile