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excellent. Il fonde, il dirige des monastères innombrables et déploie le prompt et clair génie d’un grand conducteur d’hommes. Ce même vieillard qu’on croit occupé tout entier à lutter avec des diablotins stupides, fonde par toute la Thébaïde de vastes établissements et peuple le désert. Il établit à Pispir, sur la rive droite du Nil, cinq mille moines. C’est le moindre des couvents qu’il ait fondés. Ceux de Memphis, ses fils aînés, renferment plus de vingt mille religieux. Cet homme seul commande une innombrable armée, une armée obéissante, ignorante et féroce, trois fois invincible. Son coup d’oeil embrasse les vastes ensembles et pénètre les moindres détails. Cet extatique sait le prix du temps aussi bien qu’un bon fonctionnaire romain. Il donne audience à tout le monde ; mais il a soin de se faire renseigner d’avance sur les affaires des solliciteurs. Ses disciples sont dressés comme des commis, et l’aident à éconduire les importuns. Ils lui disent : Ce visiteur est un Égyptien ; on l’expédie lestement. Cet autre est un Iérosolymitain, alors on l’écoute. « Iérosolymitain », c’était le mot de passe. Ce solitaire est un politique. Du fond de sa retraite il tient les fils de toutes les grandes affaires ecclésiastiques, correspond avec les évêques et les docteurs, reçoit des lettres de l’empereur Constantin et de ses fils, conduit, règle tout dans la catholicité. Nu sur une natte, dans sa montagne sauvage, ce paysan illettré est le chef vénéré de l’Église.

C’est le Mâhdi des chrétiens. Son activité est prodigieuse : deux fois il fond à Alexandrie comme l’aigle,