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lisait ce verset de l’Évangile : « Si vous voulez être parfait, allez, vendez ce que vous avez, donnez-en l’argent aux pauvres et me suivez. » Ces paroles firent sur lui une impression profonde, où plutôt elles exprimaient ce qu’il sentait intérieurement. Elles étaient la voix de son cœur. Il y obéit d’autant plus facilement, que c’était obéir à soi-même. Il vendit ses terres à ses voisins et en distribua l’argent en aumônes, ne se réservant que ce qu’il lui fallait pour lui et pour sa jeune sœur. Mais, ayant entendu réciter une autre fois cette parole de Jésus : « Ne soyez pas en peine du lendemain », il se débarrassa du peu qui lui restait et mit sa sœur dans un couvent de vierges. Un sacrifice si religieux avait sans doute coûté fort peu à cette âme exempte de tout attachement. Pourtant il eut, par la suite, quelque inquiétude sur le sort de la pauvre enfant, puisqu’il entendit des voix lui reprocher de l’avoir abandonnée. C’est sa conscience qui lui parlait ainsi, mais il se persuada que c’était un diable, et il cessa de se tourmenter.

Il y avait déjà des ermites en Thébaïde. De tout temps, le sable brûlant du désert a mûri des fakirs, des derviches et des marabouts. Paul était alors le plus célèbre des fakirs chrétiens. Il possédait avec plusieurs autres le grand secret du jeûne et de l’immobilité, et renouvelait au bord du Nil les prodiges des gymnosophistes du Gange. C’est le modèle que se proposa Antoine. En véritable Copte, il n’inventait rien. Il se retira dans le désert tout proche Héraclée et mena la vie d’un saint homme.