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docteur Luys glisse dans le cou de la jeune Esther et qui provoquent chez le sujet l’extase, le rire ou les larmes, mais qui semblent, ce qu’elles sont en effet, des fioles vides à tous les spectateurs insoumis à l’hypnose. Ce seul mot suggérer m’en dit bien long sur les tendances de M. Charles Morice.

Voulez-vous, à ce propos, un exemple du style suggestif ? Voici un sonnet sur Edgar Poë :

  Tel qu’en lui-même enfin l’éternité le change
  Le poète suscite avec un glaive nu
  Son siècle épouvanté de n’avoir pas connu
  Que la mort triomphait dans cette voix étrange

  Eux comme un vil sursaut d’hydre oyant jadis l’ange
  Donner un sens plus pur aux mots de la tribu
  Proclamèrent très haut le sortilège bu
  Dans le flot sans honneur de quelque noir mélange

  Du sol et de la nue hostiles ô grief
  Si notre idée avec ne sculpte un bas relief
  Dont la tombe de Poe éblouissante s’orne

  Calme bloc ici-bas chu d’un désastre obscur
  Que ce granit du moins montre à jamais sa borne
  Aux noirs vols du Blasphème épars dans le futur

Il y a, dans ces quatorze vers non ponctués du maître de l’école une source abondante de sensations ; ce sonnet est suggestif au premier chef ; il affecte délicieusement les sujets sensibles. Mais il ne fait pas plus d’effet sur le lecteur éveillé que les flacons vides du docteur Luys. C’est l’art nouveau. Le malheur est que, tout le monde ne peut pas lire endormi.

M. Charles Morice reconnaît que dans les voies où