Page:La Vie littéraire, II.djvu/234

Cette page n’a pas encore été corrigée

Plus je vis, plus je sens qu’il n’y a de beau que ce qui est facile.

Je suis bien revenu de la beauté des grimoires. À mon sens, le poète ou le conteur, pour être tout à fait galant homme, évitera de causer la moindre peine, de créer la moindre difficulté à son lecteur. Pour faire sagement, il n’exigera point l’attention ; il la surprendra. Il craindra d’exercer la patience des lettrés et croira n’être pas lisible s’il ne peut être lu aisément.

La science a le droit d’exiger de nous un esprit appliqué, une pensée attentive. L’art n’a pas ce droit. Il est, par nature, inutile et charmant. Sa fonction est de plaire ; il n’en a point d’autre. Il faut qu’il soit aimable sans conditions. Je sais bien qu’on a tout brouillé en ce temps-ci et qu’on a Voulu appliquer à la production littéraire les méthodes du travail scientifique. M. Zola, qui ne craint point le ridicule, a dit quelque part : « Nous autres savants ! » Il subsiste pourtant quelque différence entre une chanson et un traité de géométrie descriptive. Les plaisirs que l’art, procure ne doivent jamais coûter la moindre fatigue.

M. Charles Morice nous laisse entendre, il est vrai, que l’art nouveau est obscur, pénible, malgré soi, contre son gré, et à cause seulement de l’extrême difficulté qu’il éprouve à réaliser son idéal. Il se propose, cet art, des choses très difficiles, tandis que l’art ancien s’en tenait aux choses faciles. J’entends cela avec quelque surprise. Je ne croyais point que tout ce qui a été fait jusqu’ici dans les lettres eût été si commode à faire. Mais sachons