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l’ennemi, il ne manquait pas de gens pour répliquer d’un air entendu : « C’est une manœuvre ; les Russes jouissent de leur reste. » La quiétude générale fut cependant troublée entre deux et trois heures. Un lancier ivre descendit au grand galop le faubourg Saint-Martin en criant : « Sauve qui peut ! » Une panique se produisit. Chacun s’enfuit en courant. Les ondulations de la foule s’étendirent jusqu’au Pont-Neuf et aux Champs-Élysées. Mais cette fausse terreur fut passagère, les boulevards se remplirent de nouveau.

Au jugement des connaisseurs, les deux chefs-d’œuvre militaires de Napoléon, ce sont les campagnes de 1796 et de 1814. Ces deux campagnes, fort dissemblables quant au résultat définitif, présentent cette analogie que Napoléon, disposant de forces militaires très restreintes, eut à combattre un ennemi quadruple sinon quintuple en nombre et employa dans les deux cas la même tactique.

M. Henri Houssaye a établi, il est vrai, que, dans plusieurs batailles de la campagne de France, la disproportion des forces a été exagérée. Il n’en reste pas moins vrai que l’empereur opérait avec une petite armée. Les écrivains militaires ont pu discuter certaines campagnes, celles de 1812, par exemple, et de 1813. Ils ont pu contester la bonne conduite des batailles d’Eylau, de la Moskova, de Leipzig, mais personne, à l’étranger du moins, n’a osé contester la campagne de 1814. Il est remarquable que Napoléon trouve d’autant plus de ressources stratégiques qu’il a moins d’hommes à conduire. Son génie aime les petites armées. Dans la campagne de France, il n’eut jamais plus de trente mille hommes concentré