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Pour terminer dignement ce jour de fête, le vicomte Sosthène de La Rochefoucauld, le marquis de Maubreuil et quelques gentilshommes pensèrent à jeter bas au pied de l’ennemi vainqueur l’image glorieuse qui surmontait la colonne de la Grande-Armée. Des ouvriers, recrutés dans les cabarets, passèrent au cou et au torse de la statue des cordes que tirèrent, sur la place, leurs camarades avinés. La Victoire de bronze que l’empereur tenait dans sa main lui fut arrachée. Mais Napoléon resta debout. Alors un misérable se hissa sur les épaules du colosse et souffleta deux fois le visage de bronze.

Voilà la honte ineffaçable, l’opprobre dont nous rougissons encore. Voici maintenant la gloire la plus pure et la plus consolante. Pour défendre son sol envahi, la France épuisée donne ses derniers enfants, de pauvres paysans très jeunes, presque tous mariés, arrachés douloureusement à leur maison, à leur femme, à l’humble douceur du champ natal. On les appelait des Maries-Louises. Les Maries-Louises furent sublimes. Ils ne savaient pas monter à cheval et le général Delort disait d’eux : « Je crois qu’on perd la tête de me faire charger avec de la cavalerie pareille. » Pourtant ils traversèrent Montereau comme une trombe en culbutant les bataillons autrichiens massés dans les rues. Ils savaient à peine charger un fusil ; mais, à Bar-sur-Aube, ils défendirent, un contre quatre, les bois de Lévigny, seulement avec la baïonnette ; mais, à Craonne, ils se maintinrent trois heures sur la crête du plateau, à petite portée des batteries ennemies dont la mitraille faucha six cent cinquante