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se joue des jeux de la scène et goûte au théâtre l’illusion d’une illusion. Il nous en rapporte des impressions exquises, qui se répercutent en moi, je vous assure, d’une façon tout à fait délicieuse.

J’aime infiniment le théâtre chaque fois qu’il m’en parle. Il m’a fait goûter Meilhac comme je n’avais pas su le faire tout seul, et il m’aide, à trouver aux dialogues de Gyp un sens mystique et surnaturel. Il me sert aussi beaucoup pour l’intelligence de Corneille et de Molière, car personne ne le surpasse en culture classique. Enfin, il m’a révélé des aspects nouveaux du génie de Racine, que pourtant je connais assez bien.

Sans me flatter, je tiens cela pour un mérite. Mais ce que M. Jules Lemaître fait le mieux voir dans sa galerie, c’est lui-même. Il se montre sous des masques divers. Loin de l’en blâmer, je l’en félicite. En somme, la critique ne vaut que par celui qui l’a faite, et la plus personnelle est la plus intéressante.

La critique est, comme la philosophie et l’histoire, une espèce de roman à l’usage des esprits avisés et curieux, et tout roman, à le bien prendre, est une autobiographie.

Le bon critique est celui qui raconte les aventures de son âme au milieu des chefs-d’œuvre.

Je crois avoir déjà tenté de le dire, il n’y a pas plus de critique objective qu’il n’y a d’art objectif, et tous ceux qui se flattent de mettre autre chose qu’eux-mêmes dans leur œuvre sont dupes de la plus fallacieuse philosophie. La vérité est qu’on ne sort jamais de soi-même. C’est une de nos plus grandes misères. Que ne donnerions-