Page:La Vie littéraire, II.djvu/196

Cette page n’a pas encore été corrigée

Elle écrit :

 J’aime encore les arbres ! Le ciel a eu pitié de moi, en me
 laissant au moins ce goût. Je fais à tous la meilleure mine que
 je peux, mais je ne peux pas grand’chose, parce que je souffre
 dans le fond de mon âme.

Et encore :

 Vous dites d’une manière charmante « qu’il ne faudrait pas être
 seule lorsqu’on n’est plus jeune » ! Au moins faudrait-il être
 vieille ! mais on est si longtemps à n’être plus jeune sans être
 vieille, que c’est là ce qu’il y a de plus pénible ; ce qui me
 console, c’est la rapidité de tout. Le temps passe avec une
 promptitude effrayante, et, malgré la tristesse des jours, on
 les voit s’évader comme les eaux d’un torrent.

Elle souffrait depuis longtemps d’une maladie de foie que le chagrin avait développée.

Dans l’été de 1826, elle se rendit à Bex pour respirer l’air des montagnes et aussi pour être plus près de Chateaubriand, qui avait accompagné à Lausanne sa femme souffrante. Là, Delphine de Custine s’éteignit sans agonie le 25 juillet 1826, dans la cinquante-sixième année de son âge. Chateaubriand la veilla à son lit de mort. Il écrivit dans ses Mémoires ces lignes froides et brillantes :

 J’ai vu celle qui affronta l’échafaud du plus grand courage, je
 l’ai vue plus blanche qu’une Parque, vêtue de noir, la taille
 amincie par la mort, la tête ornée de sa seule chevelure de
 soie, me sourire de ses lèvres pâles