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LE CAVALIER MISEREY.

raison de dire que c’est un roman naturaliste. J’en sais de meilleurs, j’en sais de pires ; je n’en vois pas de plus exemplaires. Celui-là est froid et correct comme un modèle d’école.

M. Émile Zola aussi nous donnera, tôt ou tard, un roman militaire. Il nous l’a promis. Eh bien, je gage que ce roman-là sera moins naturaliste que le Cavalier Miserey. Et il y a beaucoup de raisons pour que je gagne mon pari. La première est que, si M. Zola a inventé le naturalisme, d’autres l’ont perfectionné. Les machines que construisent les inventeurs sont toujours rudimentaires.

Il faut considérer aussi que M. Zola est moins fidèle à ses doctrines qu’il ne dit et qu’il ne croit. Il n’a pas réussi à étouffer sa robuste imagination. Il est poète à sa manière, poète sans délicatesse et sans grâce, mais non sans audace et sans énergie. Il voit gros ; quelquefois même il voit grand. Il pousse au type et vise au symbole. En voulant copier, le maladroit invente et crée ! Sa conception des Rougon-Maquart, qui est de montrer tous les états physiologiques et toutes les conditions sociales dans une seule famille, a en soi quelque chose d’énorme et de symétrique qui révèle chez son auteur le plus ardent idéalisme. Son point de départ n’a de scientifique que l’apparence : c’est l’hérédité. Or, les lois de l’hérédité ne sont pas connues ; c’est sur une fiction qu’il a fondé son œuvre. À voir le fond des choses, il procède autant de l’auteur du Juif-Errant