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sûr ; encore faut-il que l’un et l’autre se sentent dans quelques inflexions de la voix et dans certains ralentissements du débit. Il faut enfin que le travail de la pensée reste sensible au milieu de l’action oratoire. M. Léon Say a ce qu’on peut appeler la parole vivante. Il anime les abstractions ; il trouve, pour amuser et soutenir l’attention, plusieurs des ressources qu’avait M. Thiers. Il explique, il compare, il cite des exemples, il raconte des historiettes, il est familier, il pénètre dans l’intimité des choses. Il a ces finesses qui font un piquant contraste avec la rondeur de sa personne. S’il ne sait point s’échauffer, il ne dit rien qui exige de la chaleur. Comme il est toujours maître de son sujet, il le renferme dans les limites de son talent et il s’arrange pour n’avoir jamais besoin des qualités qui lui manquent.

Il intéresse avec des chiffres. C’est là un grand mérite. Quant à dire, comme on le fait si souvent, que c’est un tour de force, je m’en garderai bien, la louange serait fausse. Les questions financières sont par elles-mêmes aussi intéressantes que toutes les autres grandes questions. Pour être plus abstraites que d’autres, elles n’en sont pas plus arides. L’esprit trouve à les étudier une profonde satisfaction. Elles offrent aux déductions des bases solides et larges. Elles plaisent à la raison par leur exactitude et à l’imagination par leur étendue. Enfin, elles sont chose humaine. Elles appartiennent à l’homme par leur principe et par leur fin. Elles sont donc intéres