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PROPOS DE RENTRÉE.

résister, dans le serf, l’esclave, ou dans le boucher, celui qui vend de la viande de bouc.

» On voit la féodalité décliner avec le vasselet ou vaslet, le jeune vassal, qui se dégrade au point de devenir le valet moderne, et la bourgeoisie s’élever avec l’humble minister ou serviteur, qui devient le ministre de l’État. »

Tous les actes, toutes les institutions de la vie nationale ont laissé leur empreinte dans la langue. On retrouve dans le français actuel les marques qu’y ont mises l’église et la féodalité, les croisades, la royauté, le droit coutumier et le droit romain, la scolastique, la renaissance, la réforme, les humanités, la philosophie, la révolution et la démocratie. On peut dire sans exagération que la philologie, qui vient de se constituer récemment en science positive, est un auxiliaire inattendu de l’histoire.

C’est le peuple qui fait les langues. Voltaire s’en plaint : « Il est triste, dit-il, qu’en fait de langues comme d’autres usages plus importants, ce soit la populace qui dirige les premiers pas d’une nation. » Platon disait au contraire : « Le peuple est, en matière de langue, un très excellent maître. » Platon disait vrai. Le peuple fait bien les langues. Il les fait imagées et claires, vives et frappantes. Si les savants les faisaient, elles seraient sourdes et lourdes. Mais, en revanche, le peuple ne se pique pas de régularité. Il n’a aucune idée de la méthode scientifique. L’instinct lui suffit. C’est avec l’instinct qu’on crée.