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« Vous ne croiriez jamais, mon cher père, combien il (l’empereur) est amoureux de sa femme future ; il en a la tête montée à un point que je n’aurais jamais imaginé et que je ne puis assez vous exprimer ; chaque jour, il lui envoie un de ses chambellans, chargé, comme Mercure, des missives du grand Jupiter ; il m’a montré cinq de ses épîtres, qui ne sont pas tout à fait celles de saint Paul, il est vrai, mais qui sont réellement dignes d’avoir été dictées par un amant transi ; il ne m’a parlé que d’elle et de tout ce qui la concerne ; je ne vous ferai pas ici l’énumération des fêtes et des cadeaux qu’il lui prépare, dont il m’a fait le détail le plus circonstancié ; je me bornerai à vous rendre la disposition de son esprit, en vous rendant ce qu’il m’a dit, que, lorsqu’il serait marié, il donnerait la paix au monde et tout le reste de son temps à Zaïre. » (17 mars 1810.)

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« Pour vous prouver à quel point l’empereur est occupé de sa femme future, je vous dirai qu’il a fait venir tailleur et cordonnier pour se faire habiller avec tout le soin possible et qu’il apprend à valser ; ce sont des choses que ni vous ni moi n’aurions imaginées. » (27 mars 1810.)

Voilà un Bonaparte que nous ne soupçonnions guère, même après les documentations copieuses de M. Taine. Les hommes sont plus divers en réalité qu’on ne se les imagine, et il faut désormais nous faire à l’idée d’un Napoléon valseur. Ces deux frag-