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dans son œuvre. Les affaires présentes l’occupaient autant pour le moins que les souvenirs de la Convention. En 1824, le chef de la fraction ultraroyaliste était monté sur le trône. Ce qui animait M. Thiers d’un souffle dont l’ardeur passait dans son livre, c’était le ministère Villèle, la loi du sacrilège, le milliard des émigrés, la censure, c’était l’effort du gouvernement pour revenir à l’ancien régime. Son histoire se ressent des temps où elle a été écrite. Bien que purement narrative, elle respire l’amour des institutions qu’on menace et un zèle obstiné pour la garde des conquêtes encore disputées. M. Thiers laissa à Mignet, son ami, dont le Précis parut en 1824, le soin de composer une histoire dogmatique ; il conta seulement et il exposa. Mais avec quelle vivacité ! Cet esprit si agissant semble activer les événements qu’il raconte.

Je viens de rouvrir ce livre de jeunesse. J’avoue que j’ai été entraîné et qu’il m’a fallu aller jusqu’au bout. On est emporté comme sur un fleuve dont le cours est égal, dont les bords sont unis. On ne s’aperçoit par aucune secousse des changements de théâtre et de personnages ; car l’historien, toujours rapide, n’est jamais brusque. Et quels excellents chapitres sur les finances : assignats, maximum, emprunt forcé, institution du Grand-Livre ! Quelles expositions lucides des faits de guerre ! Comme il fait bien comprendre le point de départ, le nœud, les péripéties, le dénouement d’une campagne.