Page:La Vie littéraire, I.djvu/219

Cette page a été validée par deux contributeurs.
195
LE CHEVALIER DE FLORIAN.

lisant Voltaire et fuyant des sociétés qui sont devenues des arènes affreuses où tout le monde hait la raison, où les vertus ne sont même plus louées, où l’humanité, la première des vertus, et la modération, la première des qualités, sont méprisées par tous les partis. Je me trouve fort bien de ma solitude, et, si j’y recevais souvent de vos nouvelles, je l’aimerais encore plus. »

Florian s’était montré très empressé, vers ce temps-là, auprès de la troisième fille de M. Le Sénéchal, administrateur des domaines. Elle n’avait pas été insensible aux attentions d’un homme plus âgé qu’elle de quatorze ans, mais agréable et célèbre. Sans être fiancés l’un à l’autre, ils avaient échangé des engagements sur la foi desquels Sophie (c’est le nom de cette jeune fille) se reposait avec confiance. Nous possédons un portrait littéraire de Sophie à dix-neuf ans. Il n’est pas inutile de dire, avant de mettre ce portrait sous les yeux du lecteur, qu’il est de la main d’un rival malheureux du chevalier. « À la régularité de ses traits, si l’on en croit ce témoin, Sophie joignait une physionomie animée. C’était une beauté grecque ou une beauté française, suivant qu’il lui convenait ; seulement il lui manquait l’éclat du teint. La fierté semblait d’abord le premier caractère de sa figure, mais les impressions de la pitié y jetaient comme un rayon céleste. Dès qu’elle entendait raconter une belle action, ses yeux lançaient une noble flamme. Elle aimait avec un goût trop vif les traits saillants de l’esprit. »