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La phtisie suit son cours fatal. Marie Bashkirtseff écrit, le 29 août 1883 :

« Je tousse tout le temps, malgré la chaleur ; et, cet après-midi, pendant le repos du modèle, m’étant à moitié endormie sur le divan, je me suis vue couchée et un grand cierge allumé à côté de moi…

» Mourir ? J’en ai très peur. »

Maintenant que la vie lui échappe, elle l’aime éperdument. Arts, musique, peinture, livres, monde, robes, luxe, bruit, calme, rire, tristesse, mélancolie, amour, froid, soleil, toutes les saisons, les plaines calmes de la Russie et les montagnes de Naples, la neige, la pluie ; le printemps et ses folies, les tranquilles journées d’été et les belles nuits avec des étoiles, elle adore, elle admire tout ! Et il faut mourir. « Mourir, c’est un mot qu’on dit et qu’on écrit facilement, mais penser, croire qu’on va mourir bientôt ? Est-ce que je le crois ? Non, mais je le crains. »

Et, quelques jours plus tard, écartant ces illusions, si obstinées à s’asseoir au chevet des phtisiques, elle voit distinctement la mort :

« La voilà donc la fin de toutes nos misères ! Tant d’aspirations, tant de désirs, de projets, tant de… pour mourir à vingt-quatre ans au seuil de tout. »

Pendant qu’elle se mourait, Bastien Lepage mourant se faisait porter presque chaque jour chez elle. Le journal s’arrête au lundi 20 octobre. Ce jour-là encore Bastien Lepage était venu, soutenu par son frère, au