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Il est permis de croire que c’est grâce à cette double origine qu’il unit, selon une expression qui lui appartient et que je veux lui appliquer,

La kymrique rudesse aux grâces d’Ausonie.

Il fut partagé de bonne heure entre le sentiment de la nature, qui troublait son âme pensive, et l’étude des lettres, qui donnait à l’activité de son esprit un but précis.

Son goût se fixa de bonne heure sur les poètes antiques, et particulièrement sur les latins, dont il discerna tout de suite le sérieux, la gravité et ce que j’appellerai la probité sublime. C’est avec Virgile, Ovide et Lucain qu’il fit son droit à Paris. Il feignit plus tard d’avoir eu besoin d’un guide et d’un initiateur, et cette illusion, à demi volontaire, lui inspira des vers délicieux :

Ô poète, c’est toi, c’est ta mémoire agile
Qui, se jouant aux vers relus et médités,
D’abord me fit connaître Euripide et Virgile,
Et m’ouvrit le trésor des deux antiquités.

C’est toi qui me menas vers le docte Racine
Formé, dès son enfance, à la langue des dieux.
Je marchais altéré… la source était voisine…
À peine un clair rideau la voilait à mes yeux.

Mais il fallut ta main pour m’écarter les branches
Et, prolongeant sous bois un facile sentier,
Pour me faire entrevoir le chœur des formes blanches,
Amours du vieux Ronsard et du jeune Chénier !